Kengo Kuma : l’architecte japonais qui réinvente la tradition
Né en 1954 dans la préfecture de Kanagawa, Kengo Kuma est devenu l’une des figures les plus influentes de l’architecture contemporaine japonaise. Diplômé de l’université de Tokyo en 1979, il fonde son agence Kengo Kuma & Associates en 1990, développant une approche unique qui allie tradition japonaise et modernité du XXIe siècle.
Une philosophie architecturale enracinée dans la nature
Après la désillusion de l’éclatement de la bulle spéculative à la fin des années 1980 et le tremblement de terre de Kobe en 1995, Kuma fait partie de cette génération d’architectes japonais amenés à réinterroger la place de l’architecture au Japon. Sa quête d’une relation de réciprocité avec la nature structure son approche architecturale, cherchant non pas une fusion mais plutôt une remise en question permanente de la frontière entre le naturel et l’artificiel.
Pour Kuma, cette tension dialectique est au fondement de l’art des jardins japonais, véritables dissertations philosophiques autour de la question de ce qui est naturel et de ce qui est artificiel. Son concept d' »architecture naturelle » ne se résume pas au seul emploi de matériaux bio-sourcés mais constitue plutôt un mode opératoire qui traverse le lieu et sa représentation.
L’évolution d’un style architectural
À la fin des années 1980, Kuma est d’abord un adepte d’un postmodernisme classicisant avec des réalisations comme le Doric Building ou le M2 Building à Tokyo (1991), synthèses chaotiques du style high-tech et d’éléments architectoniques classiques. Mais à partir de 1994, son œuvre connaît une révolution avec l’observatoire du Kirozan, se traduisant par la production de bâtiments volontairement modestes et en accord avec l’environnement.
Durant la récession économique japonaise des années 90, Kuma a eu la chance de travailler sur de petits bâtiments à la campagne. En travaillant avec des artisans locaux, il a remarqué le contraste frappant entre eux et les responsables de la construction à Tokyo qui ne s’intéressaient qu’aux facteurs financiers. Cette expérience forge sa conviction que l’architecture doit privilégier les matériaux locaux et les savoir-faire traditionnels.
Une influence majeure sur l’architecture japonaise contemporaine
L’objectif de Kuma est de récupérer la tradition japonaise afin de la réinterpréter au XXIe siècle, tout en accordant une place primordiale à la nature dans ses œuvres. Il collabore à long terme avec des artisans japonais, perpétuant leurs techniques constructives (bois, terre, papier) tout en les modernisant.
Son engagement en faveur d’une conception respectueuse de l’environnement fait de lui un grand nom de l’architecture contemporaine. Kuma estime que le modernisme, qui repose sur le béton, l’acier et le verre, a entraîné une rupture du lien entre l’homme et la nature. L’architecture japonaise traditionnelle utilise des matériaux doux et légers comme le bois et le papier qui permettent une connexion plus douce entre l’homme et la nature.
Des réalisations emblématiques au Japon
Parmi ses œuvres les plus marquantes figure le Stade national du Japon, construit pour les Jeux olympiques de Tokyo 2020, qui témoigne de son engagement en faveur de la durabilité en utilisant beaucoup de bois et de matériaux respectueux de l’environnement. Yusuhara, une ville de 3 000 habitants, est devenue une vitrine à ciel ouvert de son art, surnommée « la ville au-dessus des nuages » (kumo no ue), où Kuma a réalisé plusieurs projets emblématiques.
D’autres œuvres remarquables incluent le siège de LVMH à Osaka avec ses murs de pierre d’Onyx, la Miraie Lext House à Nagoya, et le Ginzan Onsen Fujiya, une auberge traditionnelle centenaire rénovée avec un design moderne tout en conservant son aspect ancien. Ses réalisations phares comprennent également l’observatoire du Kirozan (1994), la maison Eau/Verre à Atami (1995), le musée Hiroshige (2000), et le musée de Pierre d’Ashino (2001).
Un rayonnement international depuis le Japon
En 1997, il gagne le prestigieux prix de l’Institut architectural du Japon, puis en 2016, il remporte un Global Award for Sustainable Architecture. Sa renommée dépasse largement les frontières de l’archipel nippon et Kuma travaille désormais dans le monde entier, tout en restant très attaché à sa terre natale qu’il souhaite honorer à chaque nouveau projet.
Auteur prolifique avec près de 137 publications depuis 1986, Kuma esquisse une culture architecturale de la synthèse, qui reposerait sur une alliance pragmatique entre des éléments traditionnels, les matériaux locaux, et les nouvelles technologies de la construction. Son influence sur l’architecture japonaise contemporaine s’affirme ainsi comme un pont entre héritage ancestral et innovation contemporaine.
Quand l’esprit Kuma inspire les architectes français au niveau local
L’influence de Kengo Kuma rayonne bien au-delà du Japon et inspire une nouvelle génération d’architectes français. Pierre Desaunay, architecte basé dans le Tarn, illustre parfaitement cette transmission créative avec son projet de terrasse modulaire directement inspiré des principes chers au maître japonais.
Sa réalisation reprend la technique traditionnelle To-Kyo de Kuma, utilisée notamment dans son pont de Yusuhara, en développant une structure composée de quatre poteaux ajourés formés par l’empilement de modules rectangulaires en bois.
Cette approche modulaire, basée sur la répétition d’un carré de 10 cm, crée cette impression de légèreté et de porosité si caractéristique de l’esthétique Kuma.
Le plateau en grilles caillebotis rappelle cette trame géométrique régulière où se mêlent transparence, jeu avec la matière et harmonie structurelle.
Bien que resté à l’état d’esquisse, ce projet démontre comment les architectes contemporains s’approprient l’héritage japonais pour créer des œuvres innovantes. Pour découvrir d’autres projets inspirants et contacter un architecte sensible à cette approche respectueuse de la tradition et de l’environnement, l’œuvre de Pierre Desaunay mérite votre attention.